Mot du président et de la directrice générale

La réorganisation qui nous désorganise!

Publié le 13 mai 2015 par François Paradis, président et Linda Vaillant, directrice générale

La Loi modifiant l'organisation et la gouvernance du réseau de la santé et des services sociaux notamment par l'abolition des agences régionales est entrée en vigueur le 1er avril dernier. De toutes les réformes que l'A.P.E.S. et les pharmaciens d'établissements ont eu à vivre, celle-là figure nettement parmi les plus importantes et rapides de l'histoire.

Cette vitesse d'action dans la mise en place des nouvelles structures permet au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) de créer une pression sur les dirigeants forçant le respect des échéances et laissant peu de place à l'argumentation. Cette transition à vitesse grand V met en relief certains problèmes notamment, des incongruités entre les dispositions de l'entente collective des pharmaciens d'établissements et les fusions des établissements en CISSS ou en CIUSSS. De même, les échéanciers prévus pour la nomination des chefs de département de pharmacie, de même que pour la fusion des comités de pharmacologie, apparaissent comme très courts si l'on veut respecter les dispositions prévues à la Loi sur les services de santé et les services sociaux (LSSSS) et à ses règlements ainsi que pour effectuer un travail de qualité quant à l'harmonisation des formulaires de médicaments par exemple.

Compte tenu du très grand nombre de questions transmises à l'A.P.E.S. par les pharmaciens et les chefs de département de pharmacie, l'A.P.E.S. a organisé une webconférence le 30 avril dernier. Un état de situation a d'abord été fait et les principaux problèmes rencontrés par l'A.P.E.S. ont été exposés. La plupart d'entre eux concerne les dispositions liées à la sécurité d'emploi. Des discussions sont en cours avec le MSSS en vue de trouver une voie de passage permettant de modifier ces clauses de notre entente collective pour les rendre fonctionnelles tout en respectant le principe de l'ancienneté.

De plus, depuis le 1er avril, les postes doivent être affichés préalablement dans chacune des installations du CISSS ou du CIUSSS. L'octroi du poste doit d'abord se faire parmi les pharmaciens à l'emploi de l'établissement, par ancienneté, en tenant compte des exigences liées au poste. L'A.P.E.S. considère que les pharmaciens ne peuvent être simplement transférés d'un port d'attache à un autre puisque cela modifie la nature même de leur poste.

Tel que convenu dans l'Entente de principe intervenue entre l'A.P.E.S. et le MSSS le 23 mars dernier, les discussions sur les titres d'emploi et les salaires des gestionnaires des départements de pharmacie s'amorceront avec le MSSS au cours des prochaines semaines. Il faut d'abord signer l'entente collective dont les textes sont toujours en rédaction. Une fois signée, l'entente collective entrera en vigueur environ 3 semaines après sa signature. Le MSSS et l'A.P.E.S. auront alors 30 jours pour constituer le comité et commencer le travail. Évidemment, dans la foulée de la nomination imminente des chefs de département de pharmacie des CISSS ou des CIUSSS, la mise en place du comité nous semble bien lointaine. Nous allons donc réunir le comité consultatif de l'A.P.E.S. avant l'été afin de nous permettre de mettre en commun les diverses expériences puis de commencer une réflexion sur différents modèles de structure de gestion pouvant être envisagés.

La réforme en cours permettra au MSSS, nous l'espérons, d'atteindre les objectifs prévus à la loi, soit de favoriser et de simplifier l'accès aux services pour la population, de contribuer à l'amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et d'accroître l'efficience et l'efficacité du réseau de la santé et des services sociaux.

Toutefois, la poursuite de ces objectifs ne doit pas nous empêcher de porter un regard critique sur la nature des éléments à livrer et sur les échéanciers. Nous devons soulever des interrogations lorsque nous considérons qu'une demande est irréaliste ou qu'elle risque de porter atteinte à la qualité ou à la sécurité des soins et services offerts. Le chef du département de pharmacie doit être nommé seulement après que le comité de sélection ait consulté notamment les pharmaciens et le CMDP. S'il est impossible de respecter ces principes dans le respect des échéances du MSSS, le chef devrait être nommé de manière intérimaire. Toute son équipe de gestion devrait aussi être intérimaire puisque la forme finale de la structure de gestion devra tenir compte des travaux de l'A.P.E.S. et du MSSS sur les titres d'emploi et la rémunération.

Dans la même optique, l'harmonisation des formulaires de médicaments ne peut être faite pour le 1er septembre 2015, à moins de se contenter de fusionner des listes dans un fichier Excel sans se poser de questions. Or, comme l'usage optimal des médicaments fait partie des solutions pour rendre le système plus performant à meilleur coût, la fusion des comités de pharmacologie devient une opportunité à saisir pour revoir les classes de médicaments inscrites et les règles d'utilisation, en questionnant leur pertinence et les alternatives d'un point de vue clinique et économique. Il faut donc insister pour que l'échéance fixée soit reportée à une date ultérieure.

La réorganisation du réseau de la santé déstabilise plusieurs d'entre vous. De nombreuses questions se posent et peu de réponses sont apportées. Malgré cette situation, il ne faut pas laisser cette réforme dicter notre réflexion et nous désorganiser. Les pharmaciens d'établissements doivent demeurer les maîtres-d'œuvre des départements de pharmacie et du circuit du médicament dans le réseau de la santé.

Vous êtes les experts et votre apport est indéniable. Vous pouvez faire le succès de cette réforme en ce qui touche la gestion du médicament et l'usage optimal. Ne laissons pas la réforme nous désorganiser, faisons partie de la solution!

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